Amar, la comunicación hombre-mujer
Aimer : la communication homme/femme,
source de malentendus
Les couples se heurtent à une difficulté
de taille : hommes et femmes n'utilisent pas le même langage.
Patricia Castet
Un homme et une femme n'ont ni la même conception de l'amour, ni le même code
comportemental ou linguistique pour l'exprimer. Les dissemblances sont si
fortes que, dans "Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de
Vénus", le psychothérapeute John Gray n'hésite pas à les comparer à des
êtres débarqués de deux planètes différentes : Mars pour les hommes, qui
importent dans la sphère affective les valeurs de l'action, du pouvoir, de la
compétence ; Vénus pour les femmes, qui privilégient l'expression des émotions,
l'harmonie des échanges, la créativité. Jusque-là, rien de nouveau. Mais si ce
thérapeute est devenu un phénomène aux Etats-Unis (8 millions d'exemplaires de
son best-seller vendus), c'est qu'il a le génie d'expliquer simplement ce qui
nous semble si compliqué à saisir chez l'autre. Ce mystère de l'autre que le psychanalyste
Darian Leader évoque également, dans "A quoi penses-tu ?"... Certes,
ses pistes comportementales ne constituent pas la garantie de réussir
parfaitement sa relation de couple, mais il paraît évident que, sans elles, on
est assuré de la rater. La communication dans le couple est source de
malentendus.
D'où l'intérêt de cesser de projeter sur l'autre son propre mode de
fonctionnement en pensant qu'il va nous aimer comme on l'aime et nous le
montrer comme on le lui montre, et de développer certaines des compétences
relationnelles que ce fin limier nous propose. Pour vous aider dans cette vaste
entreprise, voici un relevé des zones d'incompréhension du couple et quelques
indications pour les traverser sans trop de dégâts.
1. Michel Lafon.
2. Odile Jacob.
Elle parle tout le temps, il se tait. Une femme qui parle pense souvent à
voix haute, laissant s'exprimer ses idées de l'instant, ce qui donne à ses
propos une certaine fluidité, mais aussi une valeur provisoire qui déstabilise
son compagnon (" Pourquoi change-t-elle si souvent d'avis ? "). Lui,
se tait souvent. Ce qu'elle interprète comme une marque de désintérêt pour
elle. Pour éviter les tensions, l'un doit prendre conscience que la parole
féminine n'est pas du bavardage, mais une façon d'accoucher de sa pensée ;
l'autre, que le silence masculin n'est pas consécutif à du mépris, mais à un
besoin de réflexion, qui nécessite un certain temps. Elle peut donc respecter
cette pause psychologique (au lieu de l'assaillir de " hein ? ",
" alors ? ", " qu'est-ce que tu en penses ? "). Il
l'informe sur des faits, elle évoque ses sentiments. Une femme exprime
volontiers son ressenti face aux événements de la vie ; un homme s'attache
plutôt à transmettre des informations " objectives " sur des faits.
Elle use et abuse des superlatifs, des métaphores, des généralisations, et même
d'une forme de licence poétique ; lui, cherche le mot juste et prend ce que dit
l'autre au sens littéral. Un exemple type susceptible de dégénérer en dispute.
" Personne ne se préoccupe de moi " signifie, en langage féminin :
" Je me sens seule " ; mais lui répond : " Ce n'est pas vrai, tu
as des gens autour de toi. " La plupart des heurts entre conjoints sont
ainsi liés à un malentendu sémantique. Pour se faire comprendre, elle doit donc
s'habituer à utiliser un vocabulaire plus précis et plus approprié. Lui, éviter
de tout prendre au premier degré et partir du principe qu'il faut lire entre
les lignes.
Elle a besoin d'être écoutée, il donne des conseils. Pour évacuer le
stress, une femme a besoin d'une écoute attentive, et qu'on reconnaisse la
légitimité de ses émotions. Or l'homme voudrait être le héros de sa compagne,
celui qui la sauve de tous ses ennuis ! Aussi l'interrompt-il par des remarques
visant à minimiser ce qu'elle ressent (" Ce n'est pas grave ") ou des
solutions miracles censées montrer son aptitude à la rendre heureuse. Elle a
donc intérêt à prendre ses précautions avant de se confier * " Veux-tu
m'écouter sans m'interrompre ? " * en spécifiant bien qu'elle n'attend de
lui aucune solution, que son écoute constitue déjà une aide. Et lui doit
apprendre à l'écouter jusqu'au bout, en s'interdisant de lui donner la clé de
ses soucis et en essayant de comprendre vraiment ce qu'elle cherche à exprimer.
Il ne répond qu'aux demandes clairement formulées, elle aimerait qu'il devine
ses attentes. Pour une femme, ne pas avoir à demander est l'une des définitions
de l'amour. Parce qu'elle ressent intuitivement les besoins des autres et leur
donne tout ce qu'elle peut, elle croit à tort qu'il peut faire de même. Pour un
homme, au contraire, proposer son aide sans être sollicité est outrageant :
cela signifie qu'il doute de ses compétences. De plus, elle croit souvent
demander, alors qu'elle s'est contentée d'exposer son problème (" J'ai
beaucoup de travail ") ou de faire un constat (" Les courses sont
dans la voiture "). Pour qu'il réponde à ses attentes, elle doit apprendre
à les formuler de façon claire. Eviter, par exemple : " Peux-tu
accompagner les enfants ? ", ce qui signifie, littéralement : " En
as-tu la capacité physique ? " " Veux-tu accompagner les enfants ?
" est plus efficace. Et qu'elle lui fasse grâce des raisons pour
lesquelles il devrait l'aider, cela lui donnerait l'impression qu'elle doutait
de son assentiment...
Elle éprouve le besoin de descendre en elle-même ; il veut tout de suite la
faire remonter. La femme est comme une vague : son moral monte et descend de
façon cyclique. Quand il monte, elle a envie de donner de l'amour ; quand il
descend, elle ne se sent capable que d'en recevoir. Arrivée au creux de la
vague, elle fait le ménage dans ses émotions. C'est un phénomène naturel qui
n'a rien à voir avec ses sentiments pour son compagnon, mais ce dernier
l'attribue à une sorte de panne d'amour. Il cherche donc à la " réparer
", c'est-à-dire à la faire remonter à toute force. Sauf que sa femme n'y
parvient que si elle a d'abord touché le fond. Par conséquent, l'homme devrait,
au contraire, l'aider à descendre le plus vite possible, en l'écoutant, tout
simplement.
Il veut être accepté tel qu'il est, elle cherche à le faire progresser.
Elle essaie sans cesse de faire progresser son compagnon et son couple. Lui ne
se sent aimé que quand il est accepté tel qu'il est et il considère qu'un
couple, ça marche ou ça ne marche pas. Du coup, quand elle dit : " On
devrait sortir plus souvent ", ça signifie : " J'aimerais qu'on fasse
quelque chose ensemble " (c'est une attention) ; lui traduit : " Tu
es trop casanier " (c'est une remise en question). La solution : exprimer
son désaccord éventuel sur son comportement sans le désapprouver en tant que
personne, en utilisant la première personne du singulier : " J'aimerais
que tu... ", et non : " Tu devrais... ". Et en le considérant
comme un pourvoyeur de solutions plutôt que comme une source du problème. De
son côté, l'homme doit comprendre que, quand sa femme n'aime pas ce qu'il fait,
cela ne veut pas dire qu'elle ne l'aime pas.
Elle lui dit "je t'aime ", il répond "moi aussi" ; il
dit "je t'aime", elle répond "pourquoi ?" Ce qui fascine
l'homme, c'est l'objet du désir ; la femme, elle, s'intéresse davantage au
désir lui-même. C'est qu'elle a, plus que lui, besoin de ce désir pour se
sentir exister. Selon Freud, la petite fille éprouve une grande difficulté à
trouver son identité en l'absence de signe distinctif comme le pénis des petits
garçons ou les attributs féminins de sa maman. Ce qui la rend, plus tard,
dépendante du désir masculin. Or celui-ci, s'inscrivant souvent dans
l'instabilité (on dit l'homme polygame par nature), ne lui donne jamais une
réponse suffisante. Ce qui fait qu'elle reposera sans cesse la question :
" Est-ce que tu m'aimes ? ", et voudra savoir pourquoi. Au lieu de
s'agacer devant ces doutes et ce questionnement insatiables, un compagnon
aimant peut essayer de la rassurer en lui montrant qu'elle est aimée pour sa
différence.
A présent qu'on dispose des clés, on pourrait croire qu'il suffit de s'en
servir pour ouvrir toutes grandes les portes de la communication entre les
sexes. C'est compter sans la complexité de l'âme humaine, c'est-à-dire, en
gros, sans notre inconscient. Car se montrer ouvert, conciliant, prêt à *uvrer
pour le bien de sa vie de couple, n'est-ce pas, pour certains hommes, se
féminiser ? Et se dévoiler tout à fait, n'est-ce pas, dans l'esprit d'une
femme, risquer de perdre une part de son charme, de sa mystérieuse féminité ?
Une crainte dictée par la peur d'être abandonnée.
Il semble donc que, tant que l'homme ne s'est pas réconcilié avec sa part
féminine, et la femme avec sa part masculine, l'un et l'autre restent dominés
par ces zones d'ombre qui ont aussi pour fonction de préserver l'altérité du
partenaire. Car le comprendre totalement reviendrait à s'approprier sa
différence et donc, d'une certaine façon, à la nier. Soyons donc réalistes et
partons du principe que " accepter de ne pas tout comprendre de son
partenaire, de ses pensées intimes, c'est déjà, paradoxalement, faire un
premier pas vers lui ", comme l'explique Darian Leader. D'autant que cette
part irréductible d'incompréhension présente aussi l'avantage d'entretenir la
dimension du manque qui nourrit le désir. Et l'envie de poursuivre la relation
pour espérer percer, un jour, ce mystère de l'autre.
TEMOIGNAGES :
Jérôme 30 ans: "Je voulais me protéger" " Un jour, je lui ai
dit, comme aux autres : "Surtout, ne t'attache pas à moi." C'était
pour me protéger. Et pour la protéger, elle, car je me savais plutôt infidèle.
Elle a pris mes propos à la lettre... Mais moi, je suis tombé profondément
amoureux. Cela a été ma plus grande erreur. J'en souffre encore. Maintenant, je
sais que les femmes ne sont pas toutes pareilles, que chacune entend ce qu'on
lui dit à partir de ce qu'elle est. "
Hélène 35 ans" Il partage ma vie, il ne la remplace pas"."
Je ne passe plus mon temps à me demander s'il apprécie ce que je suis, ce que
je dis, mes amies. Je vis ma vie. Je m'enrichis. Et je reviens à lui remplie de
belles histoires, d'idées nouvelles, d'envies qui le surprennent. Il partage ma
vie, il ne la remplace pas."
Jacques 38 ans "J'aime sa différence". "L'amour m'a appris
qu'on pouvait vivre avec une personne très différente de soi. Les contraires
s'attirent, dit-on. Mon épouse est très déterminée, elle sait se faire
respecter. Moi, je suis plutôt hésitant, doux, accommodant. Je suis très
heureux de l'avoir rencontrée : elle m'apporte, m'apprend l'assurance qui me
manque. "
Nadine 40 ans "Et si on traversait le désert ?". "Mon truc,
c'est le projet. Quand je sens que la relation devient flottante, je vais
piocher dans mes envies, réalisables ou pas. Et si on repeignait l'appartement
? Et si on traversait le désert ? Je sors les cartes, on travaille les
itinéraires... Même si on ne part jamais, pour nous c'est l'occasion de
fantasmer, de révéler d'autres aspects de nous-mêmes. "